A peine révéillé.e, vous voilà déjà dans vos pensées qui reviennent en boucle. Impossible de vous en détacher. Plus vous essayez, et moins ça marche. La rumination mentale vous envahit : pensées négatives, anticipation, ressassements. Dans cet article, nous allons voir ce qu’est la rumination mentale, comment en sortir, et les risques associés.
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La rumination mentale, de quoi parle-t-on ?
Cette expression désigne la tendance à se concentrer sur des informations négatives. C’est le fait d’avoir une pensée involontaire qui se répète et déclenche un mal être psychologique. Elle est plus présente chez les personnes à tendance pessimiste, et agit de manière négative sur leur état d’esprit.
La rumination mentale se manifeste par un flot de pensées souvent incontrôlables, associées à des sentiments négatifs. C’est une tendance à ressasser des événements passés, avec une avalanche de préoccupations et d’émotions négatives. Et souvent des injonctions : « j’aurai du », « j’aurai pu », « il faudrait que… ». Une boucle sans fin qu’on a du mal à contrôler, et qui nous empoisonne le quotidien.
Avoir quelques ruminations est toutefois positif quand cela amène à trouver des solutions, ou à régler un problème. Cela devient un problème quand la rumination mentale devient excessive, et amène à ressasser en boucle les problèmes et difficultés.
Quelles sont les personnes les plus concernées ?
Les femmes sont plus sujettes que les hommes aux ruminations mentales. Des injonctions répétées à elle-même : être une bonne mère, une bonne épouse, une bonne employée. Les ruminations mentales peuvent être très liées à la charge mentale que les femmes s’imposent : penser à tout, tout le temps (Patricia Mignonne nous en parle très bien dans cet épisode du podcast : se libérer de la charge mentale).
Des travaux de recherche menés par le psychologue Richard Davidson ont permis de découvrir qu’un dysfonctionnement du cortex préfrontal serait à l’origine d’une mauvaise régulation des émotions. Cela entrainerait souvent une surcharge de pensées, et même une tendance à la dépression. Par ailleurs, les personnes ayant une plus forte sensibilité seraient plus enclines à ressasser.
D’autres recherches ont montré que les personnes à tendance idéalistes avaient plus de ruminations mentales que les autres. Au lieu d’accepter la réalité telle qu’elle est, ces idéalistes voudraient que les choses, les événements, soient parfaits. Cela les amène à ressasser sans arrêt : « les gens ne devraient pas … », « les gens devraient… », « il faudrait que ça se passe comme ça… ».
Pourquoi a-t-on des ruminations mentales ?
Anticiper ce qui va nous arriver est normal. Nous avons besoin de nous organiser, d’apprendre de nos erreurs, de trouver des solutions à nos problèmes. Et c’est indispensable à notre survie. Nous devons apprendre à nous protéger, et pour cela, nous avons besoin de réfléchir.
L’anticipation permet de mieux se préparer, et de se motiver. Par exemple, quand on doit passer un entretien d’embauche, il est utile d’y réfléchir, de se préparer. Mais ces pensées peuvent se transformer en ruminations si elles deviennent négatives : « je ne vais jamais y arriver », « je suis nul.le, ils ne me prendront pas pour ce poste ».
Le problème des pensées répétées, est que ce processus de réflexion devient dysfonctionnel. La plupart des pensées intrusives sont la conséquence de mauvaises expériences, et cherchent donc à nous protéger de situations analogues. C’est utile si cela nous amène à trouver des solutions, à nous préserver, nous préparer. Cela devient délétère si ces pensées deviennent anxiogènes, déprimantes. C’est comme si la solution (réfléchir et se préparer) devenait le problème (ruminer par peur).
Distinguer la rumination mentale de la réflexion
La rumination mentale n’est jamais productive : c’est une pensée, ou des pensées en boucle, qui ne font que ressasser le problème. Lorsque vous ruminez, vous n’êtes pas en train de chercher une solution, mais vous agitez le problème dans tous les sens. La plupart du temps en répétant les mêmes phrases négatives, qui vous font vous sentir mal. C’est le contraire de la réflexion.
La réflexion, c’est orienter la pensée vers la solution. Vous pouvez envisager plusieurs options, les soupeser, en trouver d’autres. Mais vous ne vous sentez pas en situation de défaite, mais plutôt en situation de possible réussite. Parfois, vous n’avez pas à réfléchir à une solution, parce que le problème est passé. Et votre réflexion s’oriente vers un possible apprentissage : « qu’aurais-je pu faire de mieux pour que ce soit différent ? », « quelles sont mes options si une situation similaire se présente ? ».
La réflexion, c’est l’action vers la solution. La rumination, c’est la pensée passive et négative.
Heureusement, avec les multiples recherches sur ce sujet, des solutions existent pour apprendre à sortir de la rumination mentale. Voyons lesquelles.
Sortir de la rumination mentale, faire une pause
Quand vous remarquez que vous êtes en train de ruminer, que les pensées négatives sont de plus en plus présentes, faites une pause. Arrêtez-vous, et changer d’activité, faites quelque chose qui vous fait du bien, qui vous apporte du plaisir. Prenez un moment pour prendre soin de vous. Et si possible une action qui vous demande une certaine concentration. En effet, votre mental ne peut pas se concentrer sur deux choses à la fois. En vous concentrant sur une activité agréable, vos ruminations mentales seront moins présentes.
Vous pouvez aussi vous arrêter pour noter ces ruminations, les exprimer sur un papier. C’est un bon moyen de prendre conscience de la quantité de choses que votre esprit vous raconte.
S’arrêter, c’est aussi utile pour observer votre état intérieur, vos émotions. Et pour vous interroger : est-ce de la peur, de l’inquiétude, de la colère. Et essayez de basculer du mode « rumination » au mode « interrogation » : « Ai-je peur d’être jugé ? Rejeté ? », « Suis-je en colère ? Contre qui ? ». Ces questionnements vous aident à comprendre pourquoi ces pensées négatives tournent en boucle. C’est aussi un bon moyen de prendre du recul sur la situation. Attention de ne pas retomber dans une série de ruminations, mais plutôt d’accueillir l’émotion ressentie : « ah mais c’est parce que j’ai peur ! ».
Et un autre moyen d’apprendre à prendre du recul, c’est la méditation.
Méditer pour apaiser le flot des pensées
La méditation de pleine conscience nous invite à explorer l’instant présent, dans une attitude non-jugeante. En étant conscient de ce qui se passe dans l’instant, nous prenons conscience de nos pensées, émotions, réactivités. Et ce moment de prise de conscience nous permet de faire le choix de continuer à nourrir nos pensées, ou de les laisser passer.
A force de s’entrainer à remarquer ses pensées pendant la pratique de méditation, on devient plus conscient des moments de ruminations mentales dans notre quotidien. La prise de conscience de ces pensées en boucle est l’opportunité de faire un pas de côté. Nous ne sommes plus dans la pensée, mais juste à côté.
Pour démarrer la méditation, vous devez être accompagné.e afin de démarrer avec une attitude juste. Des sessions individuelles vous permettront d’avoir des conseils adaptés et personnalisés. Mais vous pouvez aussi choisir des cours de méditation en groupe. Le temps d’échange entre participants est toujours très instructif.
Toutefois, la méditation n’est pas adaptée à tout le monde. Et pour certaines personnes, elle pourrait même être contre-productive. Il faut juste s’assurer de ne pas entrer dans une des contre-indications avant de démarrer. Pour connaitre ces contre-indications, je vous invite à écouter l’épisode du podcast : « la méditation, c’est pas pour tout le monde ».
La méditation nous aide donc à faire le choix de nourrir ou pas nos pensées. Et elle peut aussi nous permettre d’aller plus loin, en choisissant nos moments pour penser.
Choisir ses moments pour penser
Si un problème vous hante, posez-vous pour un moment de réflexion. Au lieu de laisser partir vos pensées dans tous les sens, vous maîtrisez vos pensées en mode réflexion, et pas rumination mentale. Vous pouvez vous interroger sur la situation, et voir ce qui vous a contrarié. Il ne s’agit pas de rajouter des pensées aux pensées, mais de prendre un pas de recul pour décider consciemment de réfléchir.
Et au-delà de cette introspection, vous pouvez aussi choisir des moments où vous laisser aller vos pensées, sans les contrôler. Un peu comme si vous vous disiez : allez, je vide mon sac, j’extériorise tout ce que je pense sur ce problème. Cette façon de procéder vous permet de reprendre le contrôle, c’est vous qui décidez de penser, et pas vos pensées qui dirigent. Vous pouvez même écrire tout ce qui passe par la tête. Vous aurez naturellement un moment de ras-le-bol d’écrire, et hop, vous pourrez passer à autre chose.
Vous pouvez également déterminer un temps donné, pour ne pas ruminer en boucle pendant des heures. Vous vous donnez l’intention d’y penser pendant ce temps défini, et après, vous passez à autre chose. Vous pouvez même mettre un minuteur : 15 minutes de pensées, et après c’est terminé.
On sous-estime très souvent le pouvoir de cette intention de diriger nos pensées. Et il peut même arriver que des idées vous viennent pendant ces moments-là, pour trouver une solution à votre problème. Et là, vous n’avez plus qu’à passer à l’action.
Agir pour limiter la rumination mentale
La rumination mentale, c’est incontrôlable, vous êtes complètement submergé.e par ce flot de pensées incessantes. Au lieu de vous laisser contrôler, vous pouvez reprendre le pouvoir en passant à l’action.
Souvent, les pensées ruminantes concernent des événements passés. Et le passé, c’est le passé. Vous ne pouvez pas le changer. Contrairement à ce que vous pouvez penser, ruminer sur la situation ne vous aide pas à la changer. Alors au lieu de ressasser pendant des heures, faites quelque chose : allez courir, dansez, faites une activité manuelle, regarder un film. Le mieux est même de faire une nouvelle activité : un nouveau sport, un nouveau travail artistique, une nouvelle recette de cuisine, un nouveau bricolage. Le fait de ne pas connaitre la tâche vous oblige à vous concentrer pour ne pas vous tromper.
En vous mettant dans l’action, vous vous concentrez sur autre chose que votre discours intérieur. Ce n’est pas magique, et vos pensées vont peut-être revenir, mais ça vous oblige à vous concentrer sur autre chose.
Et cette action peut aussi de vous tourner vers les autres au lieu de rester dans votre coin.
Se tourner vers les autres
Quand votre mental tourne à 100 à l’heure, difficile de ne pas être complètement centré.e sur vous-même. Au point même d’oublier complètement vos proches, et de les négliger. Vous n’êtes simplement plus disponible, complètement absorbé.e par ce discours intérieur incessant. Il devient alors urgent, voire indispensable de vous tourner à nouveau vers les autres.
Vous pouvez passer un coup de fil à un.e ami.e pour prendre de ses nouvelles et papoter de choses distrayantes. Attention toutefois de ne pas retomber dans les ruminations en parlant de ce qui vous tracasse. Le but est de vous changer les idées, pas de renforcer votre rumination mentale du moment.
Une excellente façon de vous tourner vers les autres est de proposer votre aide. Vous n’avez pas forcément besoin de faire partie d’une association (ce qui serait d’ailleurs une très bonne idée). Vous pouvez simplement aider un voisin, regarder dans des groupes d’entraide, filer un coup de main ponctuel. Le fait d’aider les autres vous aide à vous détourner de votre problème. Vous n’êtes plus en train de ruminer en boucle sur votre difficulté, mais vous pensez aux difficultés d’une autre personne.
Sortir de la rumination mentale est indispensable, car ces pensées négatives en boucle représentent un réel danger.
Pourquoi sortir de la rumination mentale ?
De nombreuses études se sont penchées sur les impacts de la rumination mentale dans notre quotidien. Et ces impacts ne sont pas seulement psychologiques, mais aussi comportementaux. A force de ruminer toute la journée, vous pouvez rencontrer des difficultés émotionnelles :
- Un cercle vicieux s’installe : vous devenez addict à vos pensées, vous ressentez le besoin de continuer,
- Les risques de dépression augmentent : vous ressassez des émotions et des situation négatives sans arrêt,
- Les penchants addictifs se multiplient : vous cherchez du réconfort dans l’alcool ou l’alimentation, pour calmer ce sentiment de mal-être,
- Les pensées négatives augmentent : plus vous ruminez, plus vous vous focalisez sur tout ce qui va mal. C’est un cercle vicieux incessant,
- Le mode résolution de problème est à l’arrêt : vous n’êtes plus en train de chercher une solution, mais en train de ressasser le problème, voire de l’amplifier.
- Le stress augmente : vous vous focalisez sans arrêt sur vos difficultés, et vous êtes de plus en plus stressé.e.
Les pensées ruminantes sont parfois difficiles à maitriser, et vous aurez certainement besoin de vous faire accompagner. Alors vers qui vous tourner ?
Se faire accompagner
Pour vous faire accompagner, vous pouvez faire appel à un thérapeute formé en thérapie comportementale et cognitive. Cette approche est une thérapie brève qui a pour but de remplacer les idées négatives et les comportements inadaptés, par des pensées et des actions en accord ave la réalité.
Elle s’appuie sur trois composantes : les émotions, les pensées associées et les comportements. Pour trouver un thérapeute formé à cette approche, vous pouvez consulter le site de l’Association Française des TCC.
Une autre approche est de s’appuyer sur la pleine conscience, pour prendre du recul sur les pensées ruminantes. Lors de séances individuelles, vous apprenez à utiliser la pleine conscience dans votre quotidien pour mettre de la distance avec vos pensées. A chaque séance, vous repartez avec un exercice à faire et une solution pour votre difficulté du moment. Vous pouvez en savoir plus sur les séances individuelles, sur cette page : prestation individuelle.
Les ruminations mentales ne sont pas une fatalité. Vous pouvez en sortir.
Merci pour ce très bel article. Je me permets d’ajouter que la présence de pensées ruminantes favorise le mal de dos lombaire chronique! (Avec le catastrophisme). Au plaisir Isabelle!
Merci Muriel pour ton commentaire. Oui le mental influence le corps.
C’est vrai que pour habitude, nous sommes davantage préformatés à voir le côté négatif de choses, ceux qui nous font ruminer, en plus les informations, la perte de sensibilité de cette société n’arrange rien. Être positif, c’est un art de vivre qui n’est pas adopté par beaucoup de personnes. Je te remercie pour les conseils.
Merci Véronica pour ton commentaire. Oui, les informations sont axées sur les actualités négatives. Mais on n’est absolument pas obligés de regarder les informations. Ou de choisir les médias pour s’informer. Le choix ne manquent pas. Et contrairement à ce que tu dis, moi je connais beaucoup de personnes très positives, heureusement. Mais ces personnes ont souvent fait un travail sur elles pour y parvenir. alors c’est encourageant non ?
Merci pour cet excellent article! En ce qui me concerne, écrire et courir sont les deux activités qui me permettent de sortir de la rumination! C’est vrai que ces pensées négatives deviennent vite un problème si on ne sait pas les arrêter!
Merci pour ton commentaire. C’est une bonne astuce d’écrire ce qui te tracasse. A condition de ne pas nourrir encore davantage les ruminations, bien sûr. Arrêter les pensées, c’est impossible. Par contre on peut choisir d’arrêter de les nourrir, c’est une subtilité, mais ça fait toute la différence. La pleine conscience aide beaucoup dans cette démarche. Et c’est possible de pratiquer à n’importe quel endroit. Au plaisir de te faire découvrir cette pratique, avec les cours en ligne.
Bonjour Isabelle,
Lorsque l’on travaille seul, à la maison, il est facile d’être sujet à la rumination. J’ai senti un moment que je partais dans la mauvaise direction. J’ai déménagé pour me rapprocher de ma famille et des mes amis et maintenant j’essaye, en effet, de faire plus d’activités et de voir du monde. Je devrais prendre l’habitude d’écrire aussi, mais j’écris déjà toute la journée (je suis rédactrice web) ! 😉
Ah, merci pour ce super retour. Parfois il faut savoir ce qui nous soutient. As-tu déjà essayé de méditer ? Parce que pour les ruminations mentales, il n’y pas mieux.